Hit-Parade des bals français du XIXe siècle (1)
- yvesschairsee
- 25 mars
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 mars

Le dimanche 16 mars, nous avons eu le privilège de faire la programmation musicale d'un bal privé qui était dédié aux musiques de bal françaises du XIXe siècle.
Cela nous a amené à compiler quelques informations relatives à des danses composées dans l'Hexagone que nous jugions remarquables, et ce à différents points de vue : par leur succès de l'époque, par le fait qu'elles sont citées dans des oeuvres littéraires, par le fait qu'elles reflètent un moment charnière de la danse...
Comme il serait dommage de gâcher, nous reproduisons ci-dessous les brefs descriptifs de ces danses que nous avons écrits pour l'occasion, ainsi que quelques explications supplémentaires sur des morceaux tout aussi remarquables mais que nous n'avons pas eu la possibilité d'écouter pendant l'événement susmentionné.
Cela n'a l'air de rien, mais le "hit-parade" des musiques de danse françaises du XIXe siècle doit être totalement redécouvert car il est totalement oublié. Nous jetons ici une première pierre pour contribuer à ce travail... digne de Sisyphe !
Galop de Gustave III, Daniel François Esprit Auber, 1833
Gustave III est un opéra de Daniel François Esprit Auber qui est représenté pour la première fois le 27 février 1833 à l'Opéra de Paris (à ce moment, c'est l'Opéra Lepelletier). Celui-ci comprend une scène de galop où les danseurs tourbillonnent sur la scène. La séquence marque les esprits et popularise l'opéra d'Auber. Le galop est publié séparément du reste de l'opéra et la musique se retrouve jouée dans les salons.
Pendant des décennies, le galop de Gustave III sera joué pendant les bals de carnaval, et ce même après la sortie du galop d'Orphée aux Enfers d'Offenbach en 1858.
Le galop de Gustave III est l'un des premiers galops pour orchestre qui aura laissé une marque durable dans les esprits et dans les jambes.
Quadrille français "Le Danois", Philippe Musard, 1834
Pendant des décennies, on se souviendra de ce quadrille de 1834 composé par Philippe Musard. Celui qu’on appelle communément le « Napoléon du quadrille » y tire au pistolet. A l’époque et pour longtemps encore, il est à la mode d’inclure les bruitages les plus extravagants pendant la contredanse. « Le Danois » est-il le fameux quadrille dit « de la chaise cassée » où un musicien brisait une chaise à grand bruit pendant les évolutions des danseurs ? On ne le sait pas, mais ces quadrilles à bruitages ont laissé des traces durables dans les mémoires, jusque dans le film « Le Comte de Monte-Cristo » avec Jean Marais dans le rôle-titre.
Dans les années 1830, il est commun d’attirer le chaland au bal en vantant les solos d’instrumentistes qu’on pourra y entendre. Effectivement, on remarque ici que l’été et la poule comprennent des solos acrobatiques. (plus d'infos à ce sujet ici.)
3. "Rosita, valse espagnole", Louis Antoine Jullien, 1836
Le musicien Louis Antoine Jullien commence à composer de la musique de bal en 1835. Il connaît un succès retentissant qui en fait le rival principal de Philippe Musard. Néanmoins, les dettes créées par les mises en scène pharaoniques de ses quadrilles l’obligent à s’exiler en Angleterre vers 1839. La valse Rosita est la composition la plus marquante de sa période française : longtemps les journaux parisiens associeront systématiquement son nom à cette danse.
Comme d’autres valses au cours du XIXe siècle, elle est dite « valse espagnole ». On ne sait pas si cela signifiait qu’il fallait la danser d’une manière particulière. (plus d'infos à ce sujet ici.)
Valse "Indiana", Gatien Marcailhou d’Aymeric, 1842
Gatien Marcailhou d’Aymeric est un des rares compositeurs français de musique de bal dont le nom est resté connu au-delà du XIXe siècle. Sa valse « Indiana », datant de 1842 environ, est la plus connue et continue d'être jouée par des pianistes du XXIe siècle. Elle serait un hommage au roman éponyme de Georges Sand. Maurice Ravel aurait dit de Marcailhou qu’il est le véritable créateur de la valse française moderne.
Polka "Drinn Drinn Drinn", Adolphe Lecarpentier, Julien Nargeot, 1849
La polka « Drinn Drinn Drinn » composée par Adolphe Lecarpentier n’est peut-être pas remarquable en elle-même, ce qui l’est, c’est qu’elle utilise la mélodie de la chanson éponyme (aussi appelée « Le Sous-lieutenant ») composée par Julien Nargeot et mise en paroles par Léon Gozlan en 1849. Cette histoire de cocu a eu un succès retentissant qui a poussé plusieurs compositeurs à la décliner sous forme de danses. (plus d'infos à ce sujet ici.)
La Schotisch, dédiée à la Reine Victoria, Giuseppe Daniele, 1849
Selon les journaux, c’est la première schottisch composée pour un bal public de Paris. Nous sommes en 1849. On ne sait pas pourquoi la France a tardé à importer cette danse qu’on pratique pourtant déjà ailleurs depuis des années. On soupçonne qu’un éditeur de musique a profité de cette nouvelle danse pour faire la promotion du Casino Paganini, « nouveau » lieu de divertissement de la capitale. Par la suite, la schottisch (qui prend 2 t au lieu d’1 seul, comme imprimé dans la 1e édition et corrigé par la suite) a connu un succès qui ne s’est jamais démenti. (plus d'infos à ce sujet ici.)
3eme quadrille des Lanciers des cours Laborde, Joseph Mikel, 1857
Le quadrille des Lanciers est importé d'Angleterre en 1856. Les maîtres à danser y apportent leur touche, et les musiciens français essayent d'y imposer leurs mélodies. L'intention est louable, mais aucune des tentatives françaises ne va réussir à faire oublier les ritournelles venues d'Angleterre, à l'exception notable de cette composition de Joseph Mikel. Mais, fait étonnant, c'est au Danemark qu'elle s'impose ! A tel point que le quadrille des Lanciers y est toujours dansé de nos jours, en particulier par la famille royale, sur la musique du 3eme quadrille des Lanciers des cours Laborde. (plus d'infos à ce sujet ici.)
Galop infernal d'Orphée aux Enfers, Jacques Offenbach, 1858
Il est difficile de ne pas parler du Galop infernal d'Orphée aux Enfers d'Offenbach. C'est LA musique de bal française du XIXe siècle par excellence. Si les gens n'en connaisse qu'une, c'est bien celle-là ! Elle continue de donner son éclat à la France, notamment car elle est consubstantielle au French cancan. Elle est synomyme du genre "galop infernal", même si nous savons que d'autres musiques de ce type ont eu un succès indéniable avant elle !
Polka fantaisie "Les Baisers", Alfred Musard, 1859
En 1859, Alfred Musard a une idée géniale : il publie une polka ponctuée par… des bruits de baisers. Le succès est considérable et international. On parlera pendant des décennies de sa composition. Est-ce pour ses qualités musicales intrinsèques, pour la possibilité qu’elle donne de faire des plaisanteries graveleuses ou simplement d’embrasser son ou sa partenaire ? Elle est en tout cas citée par Zola dans son roman « La Curée » en 1872 : on la joue pendant le bal chez les Saccard. (plus d'infos à ce sujet ici.)
Valse "Les Roses", Olivier Metra, 1861
La suite de valses « Les Roses » d’Olivier Metra date de 1861. C’est sans doute la valse de Metra la plus célèbre. Proust la cite comme une des danses favorites du personnage d’Odette dans « Du Côté de chez Swan » (publié en 1913). En 2000, la valse « Les Roses » fait partie de la bande originale du film « Les Destinées sentimentales » d’Olivier Assayas.
Olivier Metra est un des seuls compositeurs de musique de bal du XIXe à ne pas avoir été totalement oublié, avec, peut-être, Gatien Marcailhou.
Polka "Le Pied qui R'mue", Primot, Paul Avenel, 1863
Cette polka n’est peut-être pas remarquable en elle-même, ce qui l’est, c’est qu’elle utilise la mélodie de la chanson éponyme popularisée par Joseph Kelm sur les planches de l'Alcazar dès 1862. L'air proviendrait d'une chanson normande qui aurait été arrangée par Paul Avenel. Elle illustre le destin étrange des rengaines populaires : bien que fredonnée partout en France à l'époque de sa sortie, elle passera plus tard dans le registre des chansons pour enfant, même si ce sont les adultes du XIXe siècle qui ont fait son succès !
Dans le roman "La Curée" de Zola, le quadrille dérivé de la chanson est dansé pendant le bal chez les Saccard. On en utilisa cependant la mélodie pour d'autres danses, comme pour cette polka arrangée par Primot.
Les paroles à chanter sur la polka sont en description de la vidéo YouTube.
"Valse des Journaux du Soir" (abendblätter), Jacques Offenbach , 1864
Cette valse d’Offenbach a été jouée pour la 1e fois au bal du Concordia, l’association des journalistes de Vienne. Nous sommes en 1864. Pour le même évènement, on demande à Johann Strauss d’écrire une valse. Pour bien opposer les deux, le comité du Concordia choisit d’appeler la valse d’Offenbach « les journaux du soir » (abendblätter) et celle de Strauss « les journaux du matin » (morgenblätter). L’histoire ne dit pas quelle fut la mieux accueillie, mais la composition d’Offenbach est certainement plus dynamique et moins… viennoise. (plus d'infos à ce sujet ici.)
Valse "La Vague", Olivier Metra, 1871
Olivier Metra est un des rares compositeurs français dont les valses ont continué à être jouées au-delà du XIXe siècle. « La Vague », qui date de 1871, est moins connue que « Les Roses » (voir ci-dessus), néanmoins les premières mesures ressemblent à ce point à la chanson « Frou-Frou » qu’on a peine à croire que ça puisse être le fruit du hasard !
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