Le lecteur attentif aura déjà remarqué à quel point les bals publics de Paris est un sujet qui nous intéresse. C'est pourquoi nous avons été abasourdis à la lecture de l'ouvrage "Paris dansant ou les filles d'Hérodiade, folles danseuses des bals publics", paru en 1845 (à trouver ici sur Gallica). On y trouve une description détaillée de l'écosystème des grands bals publics de l'époque : leur localisation, leur fréquentation, leur aspect général, leurs divertissements ainsi que leurs personnalités. Nous ne résistons donc pas au plaisir de reproduire plusieurs passages de ce livre, qui nous ont donné l'impression de nous replonger corps et âme dans le Paris de l'époque.
On y voit la confirmation par la bande de ce qui est alors en vogue : le cancan, certes, est omniprésent, mais aussi la polka, qui est la danse à la mode qu'il faut maîtriser depuis son explosion en 1844. On le voit clairement dans les extraits ci-dessous : c'est aussi par cette danse que les danseurs et danseuses de cancan déjà célèbres tentent de s'illustrer, que ce soit Céleste Mogador, la Reine Pomaré, Clara Fontaine ou Brididi. Chacun tente d'y briller en plus de sa capacité déjà démontrée à lever haut la jambe dans la contredanse.
INTRODUCTION : SOCIOLOGIE DES BALS PUBLICS DE PARIS
Parmi les bals publics, il en est un fort aristocratique, le Ranelagh, qui s’ouvre en été tous les jeudis soirs, auprès du bois de Boulogne ; les cavaliers y payent trois francs d’entrée ; les dames sont imposées à un franc par tête, contrairement au galant usage, qui leur ouvre gratuitement les autres bals, attendu qu’elles contribuent par leurs charmes et leur parure à l'attrait de la fête. Si vous ajoutez qu’on ne saurait aborder le Ranelagh sans voiture, à cause de la distance qui le sépare de Notre-Dame-de-Lorette comme du quartier latin, vous comprendrez que ce séjour n’admet qu’une classe de danseurs et de danseuses privilégiée par la fortune.
Un autre bal, non moins excentrique, mais peut-être plus attrayant, c’est Tivoli, qui vient de ressusciter sous le nom de Château-Rouge, au bruit des fanfares et à la lueur d’un feu d’artifice étoilé.
Parmi les bals à bon marché, il en est plusieurs où l’honnête homme peut entrer sans craindre de se déconsidérer ; ce sont les bals qui, par leur situation et par suite de vieilles habitudes, sont devenus la propriété, à peu près exclusive, des étudiants, classe instruite, intelligente, bien née, que la société met chaque année en coupe réglée pour en tirer des professeurs, des membres de l’institut, des avocats, des députés, des ministres.
Les bals réservés à l'étudiant sont, la
Grande-Chaumière, ouverte l’été seulement ; le Prado, qui se divise en deux établissements, Prado d’été et Prado d’hiver ; la Chartreuse, qui sait approprier le même local aux exigences des deux saisons en ouvrant ou en fermant les portes qui font communiquer son jardin et sa rotonde.
Entre le Ranelagh, où l’étudiant ne va presque jamais et ses bals attitrés où on le rencontre toujours, se place un bal intermédiaire, qui ne coûte pas trois francs comme le Ranelagh ni un franc seulement comme la Grande-Chaumière, qui n’est pas situé pour les convenances du quartier latin, ni pour celles de la Chaussée-d'Antin et de la Banque ; bal intermédiaire sous tous les rapports, où la population des étudiants se retrouve, mais non plus dominante, mais mêlée à d’autres éléments qui représentent la population de tout Paris. Ce bal à deux faces comme Janus ; l'hiver, il est établi dans la rue Saint Honoré, et s'appelle Valentino ; l'été, il va dresser sa tente aux Champs-Elysées et prend le nom de Mabille [...]
A tous les bals publics on trouve des lanternes extérieures, un bureau grillé pour prendre des billets, un orchestre, un estaminet, car il est peu de dames parmi les habituées qui refusent le cigare, et, lorsqu’elles éprouvent le besoin de se rafraîchir, leurs lèvres délicates n'ont aucune répugnance pour l’eau-de-vie. Presque partout vous verrez une roulette où chacun est libre de perdre quelques sous et de gagner quelques macarons.
[...] La danse qui règne dans tous ces lieux est la même : c’est la contredanse ornée de gestes, de sauts, de trémoussements, de tortillements, de trépignements, de contorsions, d'ondulations de tout le corps qui varient suivant l'inspiration de chacun, et qui deviennent de plus en plus expressifs à mesure que le regard du municipal se détourne [1] ; c’est la valse qu'on exécute en tenant sa valseuse par les épaules ou par la tête (sic) ; c’est la polka saluée par des hurlements de joie.
[1] Voir ici notre article sur le cancan pour plus d'explications sur les gardes municipaux ou sergents de ville qui étaient chargés de veiller à la décence des danses dans les bals publics.
[...] naguère encore, au jardin Mabille, quand retentissait la polka, un groupe confus, inextricable, tournait autour de l'orchestre en sautant à cloche-pied. Cela s'appelait polker !... Mais depuis que Mlle Clara Fontaine, la reine des étudiantes, s’est fait inoculer la science de Cellarius, et qu’elle en a donné des leçons chez elle, rue de Provence, n° 6, le public mabillien s'est formé rapidement. Il tient maintenant le canevas de la polka, même il y brode des dessins de fantaisie qui ne sont pas sans charme pour l'observateur.
Dans tous les bals que nous venons de nommer, la danse est la même, et l'on chercherait vainement à distinguer chaque localité par des nuances. [...] le plus ou moins de verve et d'excentricité dépend du nombre et de l'attention des gardes municipaux et des sergents de ville. Au milieu de ces joies en ébullition, l’homme de police est un alliage réfrigérant qui produit plus ou moins d’effet suivant la dose [1].
Maintenant que nous possédons quelques données sur la physionomie générale des bals publics, entrons à la Grande Chaumière.
LA GRANDE CHAUMIERE
Gavarni [2] prétend que la Chaumière est « un grand jardin où les jeunes gens se réunissent le dimanche pour entendre de la musique religieuse, après vêpres. »
[2] célèbre dessinateur du XIXe siècle
Bien que nous n'ayons ni penchant ni intérêt à trahir la jeunesse dans ses plaisirs, nous ne pouvons laisser les braves parents de province dupes de la couleur que le charmant dessinateur essaie de leur insinuer. La Chaumière est un grand jardin où l'on se réunit, à la vérité, le dimanche et le jeudi, mais dont la musique n'est pas plus religieuse que la polka nationale, pas plus édifiante que le quadrille de larifla ou de la tulipe orageuse. Quant aux vêpres, nous soupçonnons les habitués de ce jardin d'y manquer par intervalles.
La Chaumière, située sur les boulevards extérieurs, au delà du Luxembourg non loin de l'Observatoire, est au printemps un lieu de délices. Moyennant un franc par tête masculine, on est admis dans cet eldorado qui communique avec un café.
Le propriétaire a voulu que le plaisir de la danse servît d'amorce à la consommation.
Dans le jardin de la Chaumière, les allées serpentent au milieu d'épaisses charmilles ; de distance en distance des bancs cachés dans les bosquets semblent inviter à des conversations intimes ; un billard est placé dans une maisonnette ; une estrade s'élève pour l'orchestre au milieu des ombrages. Devant les musiciens s'étend un espace formant carré long, fortement battu, entouré de balustrades à hauteur d'appui ; c'est la salle de danse ; elle est éclairée cette année par des globes de gaz qui forment d'éblouissantes constellations. L'orchestre se fait entendre. A ses accents se joignent le gazouillement des oiseaux qui s'envolent des charmilles, et le bruit de la montagne russe, dont les chars descendent en roulant comme un tonnerre lointain ; au moment où la courbe est le plus rapide, la peur arrache des cris aux aimables voyageuses ; leurs cavaliers ne font qu'en rire ; pour mieux mériter ce titre, ils enfourchent des chevaux de bois montés sur des roulettes, et c'est ainsi qu'ils descendent triomphalement la montagne.
L'orchestre a fait son premier appel ; la contredanse va commencer ; on se place ; les demandes et les offres de vis-à-vis sont rapidement échangées. Au centre de l'arène, vous apercevez un homme déjà sur le retour, taillé en Hercule, qui dépasse tous les couples de la tête, c'est le directeur, le régent de l'établissement, le père Lahire [3], qui représente à la Grande-Chaumière l'ordre et la morale ; il trouve des vis-à-vis à tout le monde, place les groupes de manière à économiser l'espace et à grossir sa recette, et quand la danse a commencé il en modère les écarts d'une voix rude.
— M. Charles soyez moins aimable.
— Mlle Elisa ! pas tant de grâce, s'il vous plaît.
Je crois qu'il y a du désordre par là-bas (Il s'agit de trois femmes tombées les unes sur les autres comme des capucins de cartes )
Lorsque le père Lahire connaît le domicile de ses habitués, il menace de les réintégrer dans leurs foyers domestiques.
— M. A...... je vais vous renvoyer rue de Vaugirard faire l'amour, de la prose et des vers.
[3] Nous avons conservé ici le passage sur le Père Lahire car la verve des étudiants a contribué à faire de lui une figure bien connue (et amicalement moquée) des nuits parisiennes.
Le père Lahire est brusque, mais il est bon les étudiants l'aiment beaucoup. Sa surveillance active empêche presque toujours la police officielle d'intervenir.
Maintenant que nous avons vu le plus beau de la fête, retirons-nous au milieu des applaudissements qui saluent une triomphante polka de Mlle Clara Fontaine et rendons-nous à la Chartreuse située de l'autre côté de l'Observatoire, à l'issue de la rue d'Enfer.
LA CHARTREUSE
Aller de la Grande-Chaumière à la Chartreuse, c'est descendre. A la Chartreuse, la mise en scène est moins riante l'orchestre est plus maigre, les toilettes sont moins soignées ; mais la Chartreuse a l'avantage de ne pas connaître de morte-saison. Elle installe ses quadrilles dans une rotonde qui, pendant les chaleurs, communique avec un jardin par des portes nombreuses. Ces portes sont fermées par des contrevents pendant l'hiver. La salle de la Chartreuse ressemble à la tente du fils de l'empereur de Maroc, exposée l'année dernière aux Tuileries, c'est-à-dire un immense parapluie. Au centre, une forte solive représente la tige du parapluie, et soutient tout l'édifice. Le plafond, conique, est peint en bleu-ciel ; un banc circulaire entoure la salle, et de nombreuses statues adossées au mur soutiennent des globes de gaz. Que votre imagination ne combine pas les éléments de ma description pour en faire un ensemble magnifique. Piliers, plafond, bancs et statues, tout est simple, et je dirai même sale. Quand la danse a commencé, les planches élastiques du parquet frémissent sous des coups de pieu si bruyants, qu'on se croirait dans un grand moulin dont la charpente serait ébranlée par le tic-tac. Du plancher de la Chartreuse, il s'élève une poussière qui devient épaisse, suffocante, et qui ne trouve d'autre issue que les bouches, les nez, les yeux, les oreilles des spectateurs. Sortons vite de cette atmosphère et courons au Prado d'hiver, situé en face du Palais de Justice.
PRADO D'HIVER
Prix, 1 fr. 50 c. ; 1 fr. seulement pour les abonnés. Ce bal, comme les deux premiers, est consacré à l'usage des étudiants d'une manière à peu près exclusive. [...] Tel est le bal du jeudi ; ce caractère est altéré le dimanche par l'intervention des boutiquiers et boutiquières du voisinage ; le lundi, parcelle des ouvriers, éléments hétérogènes qui n'ont point la tradition ni le style de l'endroit. [...] Le lundi, au Prado, la foule est grossière, les bourrades deviennent fréquentes et les querelles faciles.
L'entrée de ce lieu n'a rien d'attrayant, ni même de rassurant. Il faut pénétrer dans un long corridor assez mal éclairé, voisin d'un cabaret borgne, le tout dans le quartier des tapis francs ; cela donne à réfléchir quand on ne porte pas de canne, et qu'on n'a sur la conscience et dans sa poche aucune espèce de couteau-poignard. Les visiteurs, encouragés par la présence de la garde municipale, pénètrent dans un édifice tortueux, où les escaliers et les galeries se succèdent, vrai labyrinthe dont l'horizon change à chaque degré qu'on franchit ; voici le billard, voici les cafés, voici le bal.
L'orchestre est placé au centre d'une étroite et longue galerie, peinte en beurre frais avec des arabesques bleus et des dorures ternies.
Cinquante quadrilles y sont alignés ; arrivez au milieu de cette enfilade, si vous avez de bons coudes, vous verrez s'ouvrir au-dessous de vous une salle ou plutôt une rotonde dans laquelle on peut descendre par un double escalier. C'est dans cette enceinte que se donne rendez-vous l'aristocratie du bal. Là, toutes les femmes ont des chapeaux, beaucoup portent des robes de satin et de velours ; bien peu manquent de chemises.
Par intervalle, des divers estaminets qui communiquent avec les salles de bal sortent des groupes avinés qui font irruption dans les danses et se livrent à une franchise, à une crudité de propos dont on redoute d'abord les conséquences. On craint de voir ces dames dont la toilette imite celle des femmes de salon, dont le visage exprime souvent la modestie et la réserve tomber en syncope ou quitter la place. Les terribles phrases qu'on vient d'entendre sont autant de coups de fusil qui vont faire partir cette volée d'oiseaux. Mais non, les oiseaux ne sont pas farouches ; habitués à l'odeur de la poudre, ils viennent se percher d'eux-mêmes sur les bras des chasseurs.
Pour se rendre du Prado d'hiver à la salle Valentino, il faut longer le quai du Louvre, traverser le Carrousel, passer sous les arcades de la rue de Rivoli, de la rue Castiglione et suivre la rue Saint-Honoré jusqu'aux approches du faubourg.
VALENTINO
Qui ne connaît cette vaste salle, consacrée par les concerts et par les bals masqués de Musard ? Le théâtre où ce Napoléon d'un nouveau genre, avant de gagner sa bataille d'Austerlitz dans la rue Vivienne, débuta par ses campagnes d'Italie [4], est une halle immense soutenue par de nombreux piliers. L'orchestre occupe au centre une estrade. Le bal Valentino contient une foule beaucoup plus nombreuse que les lieux déjà visités par nous, et toute cette foule entre en action ; peu de place est laissée aux simples spectateurs.
[4] La salle a été auparavant occupée par Musard qui y donnait ses concerts et ses bals, avant qu'il investisse la salle de la Rue Vivienne.
La danse caractéristique des bals publics se reproduit dans tous les coins, sous mille formes capricieuses ; on est ébloui.
Les toilettes de femmes à Valentino comme à Mabille, sont aussi supérieures aux mises du Prado, que le Prado est supérieur au négligé, au laisser-aller de la Chartreuse.
Quant à la Chaumière, inconstante et variable dans son aspect, nous ne saurions lui assigner de position fixe dans cette série.
La salle Valentino, quand l'orchestre a donné le branle est un parterre de fleurs mouvantes ; de tous côtés on voit onduler, variant leurs formes et leurs couleurs, empruntant leur tissu à la paille, à la soie, au satin, au velours, admettant ou rejetant le voile et la plume, unis, plissés ou bouillonnés, mais toujours coquets et gracieusement posés, ces diminutifs de chapeau dont la coupe ne se retrouve pas ailleurs.
MABILLE
Le jardin Mabille est fermé pendant l'hiver ; mais pendant l'été la disposition des lieux ne le cède pas en séduction aux bosquets et aux charmilles de la Grande-Chaumière.
M. Mabille, propriétaire de l'établissement, mort il y a peu de temps, était un professeur de danse émérite. C’est sa veuve, toute vêtue de noir, assise à rentrée du jardin, dans un bureau grillé, qui daigne distribuer elle-même les cartes d'entrée. Les fils de M. Mabille ont hérité en même temps de son bal et de sa vocation chorégraphique.
Arrivé au rond-point des Champs-Élisées (sic), prenez l'allée des Veuves qui s'ouvre à votre gauche ; au bout de trente pas vous apercevrez à votre droite la porte illuminée d'un bal public, où glissent, comme des ombres, des femmes sans cavaliers ; elles reviendront pour la plupart mieux accompagnées. Peut-être vous déciderez-vous à prendre le même chemin qu'elles ; vous suivrez alors une longue galerie tapissée de plantes grimpantes, éclairée au gaz ; puis le jardin s'ouvrira devant vous.
Au centre, un kiosque élégant, une espèce de pavillon chinois abrite l'orchestre ; cette construction légère est entourée à distance par un cercle de palmiers factices ; leurs feuilles vertes retombent comme des panaches et tiennent suspendus des globes de gaz.
Plus loin, dans le clair obscur, s'étendent de véritables bosquets, et des arbres naturels frémissent en ombrageant des tables près desquelles chacun peut offrir le petit verre et le cigare à la dame éphémère de ses pensées.
Un jeu de bague [5] toujours en mouvement vous laisse le choix du cheval de bois ou de la gondole. Un vaste hangar sert de refuge au bal en cas de pluie ; c'est là qu'aux jours du beau temps les polkeurs et les polkeuses novices se retiraient l'été dernier pour s'exercer à l'écart.
[5] On peut considérer le jeu de bague comme l'ancêtre des manèges modernes : les personnes y sont assises sur une plateforme tournante et essayent d'enfiler un bâton dans un anneau suspendu.
Sans s'élever à la hauteur du Ranelagh, le ton du bal Mabille est un peu plus aristocratique que celui des bals dont nous avons parlé jusqu'ici. A Mabille, bien des dames n'accordent de contredanse qu'aux hommes qui leur ont été présentés ; mais aussi jusqu'où la contredanse accordée ne conduit-elle pas ?
[...] Pendant les quadrilles la conversation est à peu près impossible, on est sans cesse en mouvement, point de repos pour personne, tous les danseurs, toutes les danseuses figurent continuellement à la fois, mais vous pouvez, après le chassé-croisé, conserver quelque temps le bras qu'on vous abandonne, errer sous les ombrages, vous asseoir peut-être sous les bosquets.
A la vérité, vous n'en serez pas quitte pour des soupirs et des déclarations langoureuses ; parmi les lorettes [6] l'amour transi a peu de cours ; le dieu de Cythère ne peut prendre son essor, à Mabille, qu'à la condition de dorer ou d'argenter ses ailes.
[6] définition de www.cnrtl.fr : Une lorette est une jeune femme du demi-monde, aux mœurs faciles et qui habitait au milieu du XIXe siècle principalement dans le quartier de Notre-Dame-de-Lorette, à Paris.
De tout soupirant on a besoin de tirer soit un chapeau, soit une écharpe, soit le loyer que le propriétaire réclame, ou tout au moins le déjeuner du lendemain.
Si l'amour des polkeuses est désintéressé par fantaisie, par accès, c'est parfois à la Chaumière ; l'étudiant a de l'esprit, de la jeunesse, peu d'argent ; il ne peut donner que ce qu'il a.
Mais le Jardin Mabille est un confluent où viennent se mêler les flots de populations très-diverses. Le monde littéraire, artistique, financier, politique y est représenté, la rédaction des journaux religieux y est comprise ; c'est une bourse où la tendresse est cotée plus haut que dans le quartier latin.
A la Chaumière, la femme danse quelquefois pour son plaisir, à Mabille c'est le plus souvent pour ses affaires. A la Chaumière elle est accessible aux caprices, à Mabille, elle spécule.
épilogue
Au terme de cette retranscription, nous laissons les bals de Paris derrière nous, leurs cris, leur musique et leur agitation. Nul doute cependant que nous y reviendrons, au détour des sentiers bordés de charmilles qui parcourent les plaisirs oubliés du XIXe siècle. À peine partis, les frappements de pieds de la polka résonnent déjà dans nos têtes et nous sommes sûrs d'une chose : immanquablement, bientôt, nous serons de retour.
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